Les sociétés à l’épreuve du changement climatique éduquer – agir – gouverner

Pour un dialogue innovant sur le changement climatique

Synthèse de l’université

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Compendiun de la synthèse de l’université européenne d’été

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lettre N°2-2Les sociétés à l’épreuve du changement climatique
agir – éduquer – gouverner

Évoquer « l’épreuve » du changement climatique, c’est faire état d’une ambivalence car si en première intention l’épreuve semble connotée négativement en tant qu’annonciatrice de malheur et difficultés, elle traduit aussi l’idée d’une opportunité de développement en termes d’innovation et de solidarité.

La mise en exergue d’une « urgence climatique » apparait, elle aussi, complexe : injonction à l’action politique, elle pose en même temps la question de l’appropriation par la société de l’évolution d’un problème de bien commun, objet hybride et diffus, historiquement formulé en termes scientifiques.

Penser le changement climatique en termes de temporalités

L’objectif consistant à ne pas dépasser les 2°C de hausse de température à l’horizon 2100 créé une perméabilité entre le présent et l’avenir : c’est en effet un objectif lointain qui est appelé à déterminer l’action politique des sociétés à court et moyen terme. La question de l’opérabilité d’un objectif lointain suppose un travail de concrétisation ici et maintenant.

Parce qu’elle nous invite à nous projeter vers le futur, l’épreuve du changement climatique constitue l’occasion d’une nouvelle forme d’utopie. Or, celle-ci peut s’envisager à différentes échelles de temps : soit celle de l’humanité, soit celle du globe. Si l’on se place à l’échelle de l’humanité, c’est alors le présent qui devient la norme et l’objectif pour le futur est de maintenir le « climat de toujours ». Cette situation donne naissance à une forme d’utopie que l’on peut qualifiée de rétrograde ou d’inversée. Si l’on se place à l’échelle du globe, le présent ne prime plus et la question d’un idéal à atteindre se voit remplacée par celle de la nécessaire adaptation.

Cette question du temps long se retrouve dans la théorie de l’Anthropocène selon laquelle nous vivons une révolution géologique caractérisée par l’empreinte irréversible laissée par l’homme sur la Terre. Pour les tenants de cette théorie, la réflexion environnementale actuelle souffre d’un profond déficit d’histoire. Une histoire politique s’impose donc pour éviter une vision trop téléologique de l’histoire des choix technologiques.

La problématique climatique pose la question éthique de notre responsabilité « commune et différenciée » vis-à-vis des générations actuelles et futures. Quatre raisonnements sont proposées pour établir cette responsabilité : la responsabilité par la valeur absolue (se pencher sur les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et aujourd’hui) ; la responsabilité par intensité carbone (se pencher sur l’émission de CO2 par unité de consommation énergétique) ; la responsabilité par tête (intégrant la taille du pays) ; la responsabilité prospective (consistant à oublier le passé et à pousser à agir ceux qui sont aujourd’hui en capacité de payer). Chacun de ces principes est juste, mais insuffisant à lui seul. Il faut donc travailler à leur équilibre pour établir les responsabilités pour les décisions à venir.

Décision historique, la condamnation des Pays-Bas, le 24 juin 2015, par le tribunal de district de La Haye ouvre la voie à un autre type de responsabilité climatique, juridique cette fois. Alors que la réglementation relève depuis toujours des Etats, c’est actuellement à l’initiative de la société civile que le climat entre au tribunal. Cette première décision juridique ouvre la voie d’une justice climatique qu’il va falloir explorer dans ses dimensions de responsabilité administrative, civile et pénale. Elle interroge aussi les relations entre les Etats et leur justice.

=> Inscrire les réflexions dans le temps long pour ne pas se laisser enfermer par les normativités associées aux différentes temporalités à l’œuvre.

Mettre au jour les représentations inconscientes

La psychologie sociale nous apprend que derrière les mêmes pratiques et les mêmes mots se cachent parfois des représentations et des sentiments différents entre les individus. Un aspect qui n’est pas sans conséquence au niveau des négociations internationales sur le changement climatique. Il n’est pas indifférent de penser l’action en termes moraux, économiques ou encore politiques. Les exemples de la Chine, l’Algérie, le Brésil, l’Allemagne et la France montrent des différences de perception significatives. Multiplier les études comparatives entre pays est une nécessité pour mettre au jour ces représentations et apprendre à mieux se connaître.

Dans le champ de l’éducation, il est également essentiel de partir des représentations des élèves sur la question climatique pour les aider à déconstruire les idées reçues et à décrypter les discours. Plusieurs approches semblent aujourd’hui plébiscitées, au premier rang desquelles l’interdisciplinarité et les jeux de rôle (sensibilisation à la négociation).

Objet de controverse, le débat climatique se joue aussi dans l’arène médiatique. Outre le fait qu’ils mettent à l’agenda les thématiques, les événements et les controverses, dotés d’une culture propre et appelés à donner un cadrage à l’information, les journalistes, introduisent des biais (indifférence, doute, mobilisation), allant jusqu’au militantisme, qu’il faut savoir décrypter.


=> Comprendre les différences et dialoguer par delà les cultures.

Passer des sciences à l’action

Le changement climatique est aujourd’hui une réalité. Il est donc urgent d’envisager désormais la question climatique sous l’angle de l’adaptation. Un changement de paradigme invitant à passer non seulement de l’échelle globale à l’échelle locale, mais aussi des sciences du climat à une plus grande pluridisciplinarité, associant scientifiques, experts, acteurs du monde socio-économique et citoyens.

Les modèles permettent de rendre concret et de visualiser les effets du changement climatique. Aujourd’hui, l’aspect local de l’adaptation rend nécessaire d’avoir des projections climatiques moins incertaines à l’échelle des territoires (région, ville). Un travail de recherche sur les modèles est donc indispensable pour que ces derniers deviennent de véritables outils d’aide à la décision dans le cadre des politiques locales.

Si la négociation climatique est internationale, les mesures d’adaptation doivent quant à elles se concrétiser à l’échelle locale. Or, parce qu’il met en jeu une part irrationnelle de notre rapport au monde, notre rapport ambivalent à la catastrophe sidère et empêche parfois l’action. Pour rompre avec cette sidération provoquée par la peur du risque, nous devons adopter des cadres de réflexion concrets à une échelle où l’action est possible et questionner, à cette échelle, les représentations pour imaginer de nouvelles utopies.

Division par quatre des émissions de CO2 à l’horizon 2050, réduction de 30 % de la consommation d’énergies fossiles en 2030 et de 50 % en 2050 : le challenge de l’Europe en termes de transition énergétique est très ambitieux. Très contraignants, ces objectifs offrent en même temps l’occasion d’innovations scientifiques et technologiques, mais aussi organisationnelles, politiques et sociales. Les exemples de l’agriculture et de la gestion de l’eau montrent à la fois l’importance de la prospective et le potentiel d’actions locales, à la portée de tous les acteurs. De nombreux acteurs s’impliquent au niveau global et local : les ONG, les entreprises, les territoires…


=> Sortir du diagnostic global et construire à l’échelle locale l’action pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et adapter nos modes de vie.